5380

Karubenthos 2

Nous appartenons à la première génération de scientifiques simultanément conscients que les trois-quarts des espèces de la Planète restent encore à découvrir et à décrire, et qu’en même temps le quart, le tiers voire la moitié des espèces aura probablement disparu d’ici le milieu ou la fin du siècle. Accélérer l’exploration et la découverte des espèces est donc une urgence, non seulement pour les scientifiques, mais également pour les gestionnaires des milieux et des ressources naturelles. Ceci vaut en particulier pour les mers tropicales et le potentiel de découvertes en Guadeloupe est élevé.

 En 2012, le Parc national de la Guadeloupe (PNG), l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) avaient déjà réalisé un grand inventaire des algues et invertébrés marins des écosystèmes côtiers de Guadeloupe. Fort du succès de Karubenthos 1 et afin de consolider leur collaboration, les mêmes acteurs ont décidé de poursuivre l’exploration de la Guadeloupe en ciblant maintenant les environnements profonds, jusqu’ici peu explorés et avec un fort potentiel en découvertes scientifiques !

Karubenthos 2, campagne océanographique

06 au 30 juin 2015 - Exploration du benthos profond

 

L’exploration de la zone profonde « Caraïbes » a connu son Âge d’Or dans les dernières décennies du 19ème siècle. Depuis, faute de moyens dédiés et peut-être aussi faute de mobilisation de la communauté scientifique, la région est restée à l’écart des grands programmes d’inventaires des faunes profondes. Ainsi, la base de données internationale OBIS (Ocean Biogeographic Information System) ne recense que 280 espèces d’invertébrés benthiques dans les Zones Economiques Exclusives (ZEE) de Martinique, Guadeloupe et Dominique à une profondeur supérieure à 100 m, soulignant le déficit de données sur ce patrimoine.

 

L’objectif de la campagne Karubenthos 2 est donc précisément de réaliser l’inventaire du benthos profond de la ZEE de la Guadeloupe dans la tranche bathymétrique de 50 à 800 mètres. Il permettra de faire progresser la connaissance de la biodiversité dans l’esprit de la Conférence Internationale sur la Biodiversité et le Changement climatique dans les Outre-Mer européens (Guadeloupe, Octobre 2014).

 

La campagne se déroulera du 6 au 30 Juin 2015 à bord de l’Antéa, navire de recherche mis à disposition par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). L’équipe embarquée comprend des chercheurs du Muséum, de l’IRD et de l’Université des Antilles et de la Guyane, et des agents du Parc national de la Guadeloupe ; des agents du sanctuaire Agoa recueilleront des données accoustisques et visuelles sur les mammifères marins.

Poste de commande du treuil de l’Antéa, mission profonde Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Poste de commande du treuil de l’Antéa, mission profonde Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN

20% des nouvelles espèces marines décrites dans le monde ont pour origine les expéditions du Muséum et de l’IRD : cette équipe est devenue le principal acteur de l’exploration de la biodiversité des grands fonds des mers tropicales. En 30 ans, le programme Tropical Deep-Sea Benthos (TDSB) a en effet réalisé plus de 5000 opérations (dragages et chalutages), essentiellement dans le Pacifique Sud et Ouest et dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien. La campagne Karubenthos 2 est la première opération de ce programme dans la zone caraïbe.

 

En Guadeloupe, trois grandes zones ont été identifiées comme présentant des topographies intéressantes (monts sous-marins, pentes, bancs).

 

Zones prospectées pour la campagne profonde Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Zones prospectées pour la campagne profonde Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN

Elles seront échantillonnées avec les engins de pêche qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur robustesse au cours des nombreuses campagnes en mer du programme TDSB: la drague Warén pour les fonds rocheux et le chalut à perche pour les fonds meubles.

Remontée d’une drague Wàren sur le pont de l’Antéa mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Remontée d’une drague Wàren sur le pont de l’Antéa mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN
L’équipage de l’Antéa attend la remontée du chalut à perche, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN L’équipage de l’Antéa attend la remontée du chalut à perche, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN

Les spécimens récoltés sont dans un premier temps triés à bord par grands groupes zoologiques (crustacés, mollusques, échinodermes, etc…). Un protocole particulier est mis en place pour la préservation de spécimens en vue du séquençage de l’ADN.

Anders Wàren, doyen de la campagne océanographique, tamise sans relâche, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Anders Wàren, doyen de la campagne océanographique, tamise sans relâche, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN
Baille remplie d’échinodermes, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Baille remplie d’échinodermes, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN
Les spécimens sont triés dès leur sortie de l’eau, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Les spécimens sont triés dès leur sortie de l’eau, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN
Les spécimens sont triés par fraction et par grand groupe à bord, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Les spécimens sont triés par fraction et par grand groupe à bord, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN
Chacun des spécimens échantillonnés est géolocalisé grâce à son numéro de station, qui le suivra partout, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Chacun des spécimens échantillonnés est géolocalisé grâce à son numéro de station, qui le suivra partout, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN
Conditionnement des spécimens à bord de l’Antéa, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Conditionnement des spécimens à bord de l’Antéa, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN
Des tissus des spécimens ont été prélevés pour un séquençage ultérieur, mission Karubenthos 2  © Thierry Magniez / MNHN Des tissus des spécimens ont été prélevés pour un séquençage ultérieur, mission Karubenthos 2 © Thierry Magniez / MNHN

Au retour de la mission, les échantillons feront l’objet d’un tri plus approfondi, puis seront ventilés vers un réseau international de spécialistes qui en assureront l’étude et la valorisation scientifique. Les tout premiers résultats sont attendus pour 2016, et l’ensemble des données sera mis à la disposition des acteurs guadeloupéens.